Ci-gît un être vivant

Ne me regarde pas, ne me regarde plus.
Je me croyais être humain, je suis un être, à peine vivant.
Le chien porte un collier,
L'âne porte un bât,
La bête de somme porte un licol,
Je porte un voile.
L'animal souffre, du froid, de la faim, du manque d'amour.
Tout comme lui, je sais souffrir.
Je sais aussi danser, aimer, jouir, je sais aussi vivre.
Ne me parle pas, ne me parle plus.
Je respire par petites aspirations, étouffée par l'étoffe.
Je vois la grandeur du monde réduit à une fente.
Je ne connais pas la chaleur du soleil.
Je gis sous un linceul.
La mort m'est déjà familière.
Je suis bâillonnée,
Je suis effacée,
Je suis rayée de la surface de la terre.
Je n'existe pas.
Tu dis que toute création sur terre est l'oeuvre de Dieu, les arbres, les ruisseaux, les pierres, les animaux, les humains, je suis donc, tout comme eux, tout comme toi, un être divin.
Ne me touche pas, ne me touche plus.
Je ne vis pas dans ton ombre.
Je ne vis même pas dans mon ombre.
Je vis dans l'ombre de l'humanité tout entière.

—  Halima Ghériballah

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